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01/05/2011

(UK) Doctor Who, season 6, episodes 1 & 2 : The Impossible Astronaut & Day of the Moon

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Si lors de mon périple londonien, j'ai bien réussi à dénicher un Tardis à côté de notre hôtel à Earl's Court, c'est évidemment le retour du Docteur qu'il convient de célébrer aujourd'hui. Pas n'importe quel retour, puisque c'était la direction des Etats-Unis qu'avait pris notre Time Lord favori. Steven Moffat ayant désormais le contrôle d'une narration sans avoir à gérer l'héritage de son prédécesseur, c'est l'opportunité de se réapproprier l'ensemble en remettant en cause certaines habitudes du téléspectateur.

C'est donc une entrée en matière à la fois surprenante, mais aussi extrêmement calibrée dans un style propre au scénariste, qui nous est proposée. Quelques échanges rythmés par des réparties dont la série a le secret, des passages mythologiques qui raviront les fans et promettent bien des casse-têtes, et globalement une richesse de la narration assez vertigineuse qui n'est cependant pas sans soulever quelques questions sur l'accessibilié de la série

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Ce qui frappe devant ce début de saison 6, c'est à quel point il est placé sous le signe d'une ambition affichée et assumée. Il y a tout d'abord une ambition narrative indéniable, avec une entrée en matière qui n'hésite pas à prendre des risques. Non seulement, elle débute par une introduction atypique qui prend à rebours les attentes du téléspectateur et bouleverse les fondations mêmes de la série (et dont on se demande bien comment ce paradoxe pourra trouver une résolution crédible, sans se perdre dans les timelines), mais en plus la suite poursuit dans un registre similaire, multipliant les retournements de situation et autres twists destinés à marquer un téléspectateur invité à bien s'accrocher pour suivre  pouvoir ne serait-ce que prendre la mesure de tout ce qui se passe. Le scénario joue à merveille avec les attentes mais aussi les nerfs de l'observateur extérieur que nous sommes. La construction narrative interpelle ; et c'est déjà en soi une première réussite.

Par ailleurs, on retrouve également dans ce double épisode une véritable ambition mythologique assez vertigineuse. Les questions laissées en suspens s'enchaînent, voire se complexifient à l'extrême. On peut finalement dire que les premières minutes, qui laissent sous le choc et quelque peu sans voix, donnent parfaitement le ton. Les indices distillés, surabondants, sont prétextes à toutes les extrapolations. C'est le genre d'épisode où un revisionnage immédiat serait sans doute le bienvenu, ne serait-ce que pour bien disséquer chaque remarque faussement anodine ou chacune des symboliques utilisées. De River à Amy, en passant par la petite fille qui appelait le président Nixon à l'aide, le tout avec l'épée de Damoclès que font peser les évènements des premières minutes, le téléspectateur se laisse emporter par un tourbillon mythologique aussi déstabilisant qu'excitant.

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Mais paradoxalement, c'est dans cette richesse que se situe le point fort, mais aussi sans doute le point faible de ce double épisode. En effet, si certains passages sont tout particulièrement galvanisants, voire assez grisants pour un téléspectateur à la curiosité piquée, dont l'imagination en ébullition est prompte à se perdre en conjectures les plus folles, le scénario n'évite cependant pas l'écueil d'une surenchère pas toujours bien maîtrisée qui s'avère par moment contre-productive. A force de vouloir beaucoup en faire, dans un scénario dont les tiroirs multiples semblent tous mériter notre attention, le récit pèche en essayant de trop offrir, donnant parfois l'impression d'en perdre le sens des priorités et peut-être une certaine lisibilité.

J'avoue que c'est l'accessibilité même du propos de la série qui m'a semblé remise en cause dans ce double épisode. A mes yeux, Doctor Who est et doit demeurer un divertissement familial grand public, pas uniquement une fiction de geeks débattant du moindre détail sur internet. Il y a un juste dosage à trouver, entre les attentes d'un public de fans qui vont s'extasier sur chaque symbolique cachée et éplucher et confronter avec le décodeur du net toutes les théories, et celles d'un public plus généraliste si j'ose dire, moins impliqué "passionnément", qui va rechercher un divertissement d'aventure teinté de science-fiction. Les deux publics ne sont pas incompatibles ; les satisfaire n'a rien d'antinomique, mais il ne faut pas sacrifier l'un au profit de l'autre. J'ai eu le sentiment que cet épisode, par l'extrême condensation qu'il proposait, perdait quelque peu le second.

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En ce qui me concerne, mon bilan de ce double épisode de rentrée se rapprochera de la plupart des aventures du Docteur ainsi découpées en deux parties. La première, à vocation plus introductive en dépit de ses si nombreux effets narratifs, enchaînant les twists et révélations, m'avait laissée l'impression un peu frustrante de toute juste démarrer lorsqu'avait retenti le générique de fin. La seconde a apporté l'équilibre attendu. La contre-attaque du Docteur, avec sa part d'action, de répliques pimentées et de dramatisation autrement plus poignante, m'a permis de retrouver la magie qui fait l'identité de la série, me touchant beaucoup plus que le stade des promesses et des questions du premier épisode. Ce sentiment de déséquilibre s'explique - et se justifie en quelque sorte - par le choix de la construction narrative (voilà pourquoi je n'ai fait qu'une seule review d'ensemble).

L'histoire en elle-même est prenante, même si dans la manière dont est présentée la menace extraterrestre, j'ai parfois un peu l'impression que le style de Steven Moffat, aussi savoureux qu'il soit, se renouvelle trop peu. Il ne s'agit pas de renier certains thèmes qui lui sont apparemment chers, mais il y a des caractéristiques qui reviennent presque invariablement, renvoyant volontairement ou non à d'autres aventures passées écrites par le scénariste. Même si la recette continue de fonctionner, attention cependant à ce que la répétition n'amoindrisse pas trop l'effet suscité : pour préserver la magie, il faut aussi savoir rafraîchir les ressorts narratifs. 

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Au-delà de l'efficacité de la construction narrative, ce sont les personnages qui demeurent l'âme de la série, permettant d'exploiter une dimension plus émotionnelle dans laquelle réside ce secret diffus et imperceptible qui fonde toute la magie de Doctor Who. Ce double épisode est également très riche dans ce domaine. Plus les rencontres passent, et plus j'apprécie le personnage de River Song. Sa relation avec le Docteur, dans cette aventure américaine, alterne habilement le flirt joyeusement grisant ,qui sait parfaitement jouer sur l'alchimie évidente entre Alex Kingston et Matt Smith, et un aspect plus tragique, les lignes temporelles personnelles de chacun poursuivant inéluctablement leur évolution dans des directions opposées. Toute leur relation est placée sous ce signe : la première rencontre du Docteur fut la dernière de River. Le baiser final venant conclure l'épisode contient ce même arrière-goût un peu confus : le premier du Docteur... le dernier de River ?

Parallèlement, pour Amy et Rory, le mariage n'aura pas tout résolu. Usant et presque abusant de qui pro quo réels ou supposés qui laissent simplement songeurs, le double épisode sème autant le trouble qu'il ne raffermit les liens existant entre les deux. Alternant le chaud et le froid, il y a quelque chose de très touchant dans la manière dont ces personnages sont mis en scène. Les troubles sonnent souvent juste et on retrouve un parfum d'authenticité sentimentale que j'apprécie tout particulièrement. Le traitement de la question de la grossesse - ou non - d'Amy est sans doute ce qui laissera le plus de questions en suspens, tant sur un plan mythologique, que sur les rapports d'Amy avec le Docteur et Rory.

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Bilan : Ce double épisode au parfum américain n'a pas entendu pas lésiner sur les moyens pour offrir au Docteur une introduction en forme de feux d'artifices émotionnels et mythologiques, condensant sans doute à l'excès tous les ingrédients légitimement attendus d'une aventure qui a vocation, non pas à se suivre comme un stand-alone, mais bien à poser les bases et à conforter les grands arcs à venir dans la série. Son extrême richesse ravira plus d'un fan, cependant elle s'accompagne d'une surenchère pas toujours pleinement maîtrisée. Si l'ambition affichée galvanise et récompense la fidélité du téléspectateur, il faut savoir aussii trouver le juste dosage et se modérer pour ne pas trop en faire.

Doctor Who signe donc un retour marquant. Vivement la suite.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de l'épisode :


02/05/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 5 : Flesh and Stone (2)

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Cette deuxième partie du double épisode nous confrontant de nouveau aux Weeping Angels aura finalement pris un tournant beaucoup plus mythologique qu'attendu, réunissant cette intrigue au grand fil rouge de la saison qui est désormais posé explicitement au grand jour. Assez dense, plongeant le téléspectateur dans les paradoxes des courbes temporelles qui se croisent et se re-écrivent, ce double épisode aura constitué tout autant une grande aventure, cocktail détonant d'action et de frisson, assaisoné d'une pointe d'humour, qu'une étape décisive dans l'installation de la mythologie de la saison.

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En guise d'entré en matière, le Docteur propose une superbe petite astuce très Whonesque afin de se sortir d'une situation bien difficile, en s'amusant avec les lois de la gravité. Non dépourvue d'originalité et de cette petite touche de folie indispensable à tout twist de la série, c'est une résolution expéditive, mais adéquate, dans la tradition de Doctor Who, qui permet de clôre le cliffhanger et d'enchaîner sans temps mort sur la suite des aventures. Depuis le début de l'année, les médias britanniques ont souvent évoqué les coupes budgétaires imposées par la BBC ; on pouvait se demander ce que cela donnerait pour la nouvelle saison de Doctor Who. Sur un plan visuel, il faut constater, devant un tel épisode, que l'on ne ressent aucun changement notable dans le cadre proposé pour cette aventure. Le décor et les effets spéciaux ne sont pas ostentatoires, mais ils ne dépareillent pas et sont à la hauteur.

Réussir à réintégrer le vaisseau n'était, pour le Docteur et ses compagnons, qu'un moyen de retarder l'inévitable assaut des Anges. Si ces derniers vont se retrouver plus en retrait au fil que cet épisode progresse, laissant place à un autre mystère, plus grand et plus important encore, Steven Moffat va cependant réussir à exploiter ce potentiel de frayeur inhérent à ces créatures, incontournable et nécessaire pour des téléspectateurs qui n'ont jamais pleinement dépassé le traumatisme engendré par Blink.

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La tension va ainsi aller crescendo dans le premier tiers de l'épisode, au cours duquel la course-poursuite avec les Anges se transforme en un bref huis-clos qui les conduit finalement dans une improbable forêt à bord du vaisseau. C'est d'ailleurs très intéressant de voir l'utilisation habile qui est faite du changement d'environnement. Si le fait d'être cerné, à bord du vaisseau, avait un caractère particulièrement oppressant, huis-clos un peu étouffant, la fuite dans les bois offre un changement de perspective et ouvre de nouvelles possibilités pour jouer avec les peurs du téléspectateur. A nouveau, c'est Amy qui va nous faire partager ses frayeurs. Il était déjà établi que le fait qu'elle ait regardé un Ange droit dans les yeux allait avoir des conséquences importantes. Un peu de la même façon qu'avec la reproduction par l'enregistrement vidéo, un Ange se développe dans son esprit. On a ici une déclinaison intéressante de l'aspect mystique attaché à ces créatures : l'Ange a en quelque sorte capturé son âme, et son corps par la même occasion.

Amy va assurément nous offrir les scènes les plus inquiétantes de l'épisode : cette traversée de la forêt, portée par un petit thème musical sobre comme il faut, les yeux fermés, avec une faille spatio-temporelle qui grignote la réalité et des Anges tout autour d'elle, restera dans les mémoires. Plus que les jeux de lumières auxquels l'épisode s'était essayé plus tôt pour illustrer l'assaut des Weeping Angels, c'est cette marche qui va occasionner les moments les plus glaçants de l'épisode. Il faut à ce titre saluer l'imagination des scénaristes, car le cadre y joue pour beaucoup : cette ambiance particulière, entourée d'arbres, on pourrait une nouvelle fois l'associer aux images d'Epinal renvoyées par les passages les plus sombres des contes de fées de notre enfance. C'est la forêt inhospitalière où le héros s'égare et fait des rencontres inquiétantes. La traverser les yeux fermés est une action chargée d'une symbolique particulière. Et au cours de ces scènes, il faut saluer la prestation de Karen Gillan. Elle correspond parfaitement à ce qu'on attend d'elle : fraîche, apeurée, authentique.

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Cependant, l'enjeu réel de l'épisode se déplace progressivement. Si l'intrigue des Weeping Angels s'étire en longueur jusqu'aux deux tiers de l'épisode, prenant le temps d'exploiter les thématiques angoissantes qui s'y rattachent, elle n'est plus l'enjeu central, laissant place, de façon assez inattendue, au fil rouge de la saison. Ce dernier s'installe ainsi sur le devant de la scène : les craquelures dans l'univers et les failles spatio-temporelles qui s'ouvrent ne sont plus cantonnées à un clin d'oeil de fin d'épisode. Doctor Who ne nous avait pas habitué à un développement aussi conséquent, de ce qui devrait occuper l'arc du season finale, aussi tôt dans une saison. Jusqu'à présent les petits indices peu subtiles, disséminés au gré des aventures, s'inscrivaient dans une certaine tradition d'introduction de fil rouge ; avec Flesh and Stone, Steven Moffat passe résolument à la vitesse supérieure... pour mieux perturber le téléspectateur en suscitant surtout de nouvelles questions, sans apporter de réelles réponses.

Cependant, la gestion de ce mystère, dont le danger est toujours plus grandissant et devient concret, se révèle assez prenante, même si certaines évidences mettent un peu de temps à être énoncées à voix haute. L'importance d'Amy, figure centrale sans que l'on en comprenne les raisons, s'impose rapidement. Il faudra quand même au Docteur tout l'épisode pour reconnaître la place spéciale de la jeune femme, au coeur du processus en marche. Le schéma ainsi choisi n'est pas sans rappeler celui de la saison 4, avec une Donna, assistante destinée à avoir un rôle déterminant dans l'Apocalypse de fin de saison à éviter. Encore une fois, ce n'est pas le hasard qui a placé Amy sur la route du Docteur. Leur rencontre, comme le fait qu'elle soit devenue son assistante, ne sont pas des coïncidences. Le sort d'Amy reste encore inconnu. Mais j'apprécie le fait que tout soit relié à des destinées plus larges qui dépassent la simple vie quotidienne de nos héros. Cela confère un sens supplémentaire à la présence d'Amy aux côtés du Docteur, qui jète une lumière nouvelle sur l'ensemble.

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Flesh and Stone est donc un épisode fondamental, mythologiquement parlant, mais qui pose surtout les bases d'une storyline/fil rouge d'une complexité presque déstabilisante. Je ne suis d'ailleurs pas certaine d'avoir pleinement compris toutes les implications de ce qui est en train de se produire, même si on devrait avoir de nouvelles précisions dans le futur. En résumé, c'est le temps, la réalité qui s'effondre, et avec cela, les évènements se re-écrivent, l'Histoire change... au fil de ces craquelures. Les êtres qui disparaissent dans ces failles voient leur vie effacée comme s'ils n'avaient jamais existé. Seules des personnes déjà arrachées à leur ligne de temps, des voyageurs temporels, ne sont pas affectés par ce phénomène auquel il est assez glaçant d'assister.

Tout se met en place pour l'explosion finale. Le moment clé est d'aileurs déjà fixé : le 26 juin 2010. Il s'avère que le Docteur aura entraîné Amy loin de son époque, la veille de ce jour qui apparaît comme une date fatidique pour l'Univers tout entier. C'est en effet le 25 juin au soir qu'il est revenu et a emmené Amy dans ses aventures, l'éloignant de la ligne temporelle qu'elle aurait dû suivre. Le 26 juin 2010, c'est le jour où est aussi prévu son mariage. La prise de conscience du Docteur, à la fin de l'épisode, sur l'importance d'Amy et sur cette date, était attendue du téléspectateur ; reste désormais à comprendre ce qui relie la jeune femme à tous ces évènements. Accessoirement, le 26 juin 2010 est également la date de diffusion du season finale de cette saison 5. Le fil rouge de la saison est désormais clairement tracé.

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Signe de sa richesse, Flesh and Stone ne se contente pas de soigner la mythologie apocalyptique en prévision de la fin de saison. Il est nécessaire de parler du personnage de River Song. Après avoir été particulièrement mis en avant au cours de la première partie, elle se retrouve plutôt en retrait dans ce second épisode, comme pour équilibrer l'impact de son personnage avec la présence d'Amy. Moins déterminante dans la résolution de la problématique des Anges, la jeune femme se voit surtout attribuer la fonction de distiller une pointe de mystère supplémentaire, à un épisode qui n'en manque déjà pas. Les craquelures temporelles achèvent d'embrouiller un téléspectateur déjà un peu égaré au milieu de tous ces paradoxes et qui en est bientôt réduit à dresser des schémas sur un brouillon, à côté de sa télévision, pour s'y retrouver dans ces différentes lignes temporelles et ces relations qui se construisent à l'envers.

Reste que River délivre un "au revoir" qui appelle des retrouvailles prochaines. Outre cette mention récurrente à Pandorica, elle révèle également un autre secret, ambivalent dans son contenu, mais assorti d'une étrange sérénité dans la tonalité avec laquelle il est présenté. Si River était en prison, c'est parce qu'elle a tué un homme. Qui ? "The best man I've ever known", répond-elle sans donner son identité. Je suppose que chaque téléspectateur peut comprendre cette phrase comme il le souhaite. Mon premier réflexe a été de me dire qu'il s'agissait tout simplement du Docteur lui-même. Même si les ecclésiastiques ne semblaient pas le connaître, le ton et le regard de River m'amènent instinctivement à cette première interprétation. Ce qui n'empêchera de toute façon pas d'autres aventures d'avoir lieu. Faut-il s'attendre à des retours récurrents de River à travers les prochaines saisons ? Le prochain rendez-vous est en tout cas pris, "when Pandorica opens" (un élément du futur du Docteur et de la saison ; mais du passé de River, donc).

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Achevant (déjà) le cinquième épisode la saison, le téléspectateur dispose désormais d'un peu plus de recul pour apprécier ces nouveaux héros quotidiens qu'il suit chaque samedi soir. Sur le plan de la caractérisation des personnages, je dois dire que je suis très satisfaite de la performance de Matt Smith, ainsi que de la façon dont Eleven voit sa personnalité s'affirmer peu à peu. Flesh and Stone s'avère être, une fois encore, un épisode où la versatilité du Docteur est mise en exergue et pleinement exploitée. Tour à tour conciliant, compréhensif, arrogant, particulièrement direct, ou même vraiment en colère, il y a quelque chose de particulièrement intense, mais aussi de très ambivalent chez Eleven, un investissement qui se mêle d'une certaine prise de distance avec les évènements  qui l'entourent : il est assez difficile de le traduire en mots, mais cela engendre un ressenti très intéressant à l'écran.

Je suis en revanche un peu plus mitigée en ce qui concerne Amy Pond. Il y a des moments où je la trouve juste parfaite, pleinement épanouie dans un rôle de Wendy sur les traces de Peter Pan qui lui sied à merveille. Ainsi, dans cet épisode, durant la traversée de la forêt, Karen Gillan était excellente. Elle ramène à la vie, de façon très naturelle, nos peurs enfantines les plus enfouies, le tout mise en scène avec une fraîcheur étonnante. Cependant, comment interpréter cette scène finale, où accompagnant une chute brutale d'adrénaline, toute la tension et la peur se relâchent pour se transformer en une "explosion hormonale" (le qualificatif restant encore à arrêter), au cours de laquelle elle poursuit sa fuite en avant par rapport à son mariage, en jetant son dévolu sur le Docteur. Il y a une part en moi qui rejète en bloc toute idéee d'intimité entre nos deux héros. Amy n'a certes pas l'infatuation pesante que pouvait manifester Martha. C'est aussi rassurant de voir que le Docteur la repousse sans y réfléchir à deux fois, tandis qu'il commence à mettre en ordre les pièces du puzzle qui prend place sous ses yeux depuis le départ et à comprendre l'importance d'Amy Pond. Mais cette scène m'a paru assez artificielle, comme si les scénaristes avaient maladroitement jouer sur un degré de comédie, sans que la tonalité prenne vraiment. Ca reste anecdotique pour le moment, mais ce sont des sujets sensibles sur lesquels Steven Moffat doit être prudent.

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Bilan : Flesh and Stone est un épisode particulièrement dense qui clôture une aventure, tout en posant des bases mythologiques déterminantes pour le reste de la saison. On y retrouve beaucoup d'ingrédients très différents, de l'exploitation de l'angoisse liée aux Anges jusqu'aux paradoxes temporels dans lesquels la série plonge sans retenue, et avec un plaisir évident, le téléspectateur. Mené à un rythme prenant, l'épisode est vraiment plaisant à suivre grâce à cette diversité et à cette richesse. Il n'évite cependant pas quelques maladresses dans la gestion de certains aspects des fils rouges qu'il pose. Mais dans l'ensemble, même s'il part dans des directions un peu inattendues après la tonalité de la première partie, il est à la hauteur des attentes des téléspectateurs.


NOTE : 8,5/10


A noter la très belle réalisation de l'épisode qui nous aura proposé une certain nombre de plans vraiment superbes, tel celui-ci :

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La bande-annonce du prochain épisode (Direction Venise... et l'exploration d'un mythe très terrien : les vampires) :

27/04/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 4 : The Time of Angels (1)


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Avec The Time of Angels, Steven Moffat renoue avec ses apports majeurs des saisons précédentes, issues de l'ère de R. T. Davies. La première partie de ce double épisode marque en effet le retour d'une des créatures les plus marquantes de ces dernières saisons, auxquelles demeure associé l'ordre qui résonne encore dans la tête du téléspectateur lorsqu'il éteint sa télévision, "Do not blink" : je veux bien entendu parler des Weeping Angels. Mais c'est également l'occasion de vivre une nouvelle aventure dans la vie (très) mouvementée de River Song, pour une première rencontre avec Eleven qui tient toutes ses promesses, tant l'alchimie entre Alex Kingston et Matt Smith est flagrante. En résumé, c'est du grand Doctor Who qui nous est proposé au cours de la première partie de ce double épisode.

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Construit sur un schéma similaire au précédent double épisode mettant en scène l'introduction de River Song dans l'univers Whonesque (Silence in the librairy/Forest of the Dead), se déroulant toujours dans ce fameux LIe siècle si cher à l'imagination fertile des scénaristes, le Docteur répond une nouvelle fois à l'appel pressant d'une River Song aux nerfs d'acier qui exploite les paradoxes temporels et sa connaissance du Time Lord avec une maîtrise et un sang froid impressionnants. Après une introduction aux accents cinéphiles, dans un style James Bond revendiqué, c'est en effet par le biais de la "boîte noire" d'un vaisseau, exposé dans un musée visité par le Docteur 12.000 ans plus tard, que River transmet avec assurance un message de vie ou de mort à ce dernier, avant de s'auto-air-locker de l'appareil dans lequel elle se trouvait en infraction.

La première rencontre entre Eleven et River va se révéler à la hauteur des attentes du téléspectateur. Le caractère et la personnalité entreprenante de River font merveille aux côtés d'un Docteur qui ne maîtrise pas encore l'ensemble de son univers, suite à sa regénération. Ainsi River prend-elle en main la poursuite du vaisseau qu'elle vient de quitter, s'installant avec aplomb aux commandes du Tardis. Si elle fait perdre au vol le caractère pittoresque et atypique que le Docteur entretient, l'efficacité est en revanche maximale. Mais rien que pour provoquer l'imitation du bruitage du Tardis par Eleven, son incontournable associé à l'attérissage, la scène vaut son pesant de cacahouètes.

Si le personnage de River gagne à chaque rencontre en complexité, découvrant également une part de zones d'ombres, les scénaristes poursuivent, avec une certaine maline, la narration de sa relation avec le Docteur à travers le tourbillon chaotique de leurs timelines respectives qui s'entrecroisent, sans respecter la plus basique des chronologies. Témoin privilégié d'une histoire vécue suivant le point de vue du Docteur, le téléspectateur observe cela avec un mélange de fascination pour la solidité de liens forgés dans de telles conditions - même s'il nous manque une bonne partie de l'histoire fondatrice - et de curiosité face à ce personnage fort, mais également mystérieux, qu'incarne River. En gardant ses secrets et, présentement, en ne révèlant pas toute la vérité sur la mission dans laquelle elle entraîne le Docteur, elle cultive un côté toujours plus intriguant. La confiance aveugle qui lui est accordée naturellement se mêle d'ambiguïté, une ambivalence du personnage qui lui confère une dimension supplémentaire. N'est-ce pas aussi cela qui fait d'elle quelqu'un de très "spécial", ne la réduisant pas à son seul lien avec notre Time Lord ?

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Outre River Song, l'épisode s'annonçait assurément mémorable en raison du retour d'une des créatures mythologiques les plus fascinantes de l'univers Whonesque, les Weeping Angels. Ils sont restés dans l'imaginaire du téléspectateur ces êtres inquiétants qui délivrèrent un des plus glaçants, et réussis, épisode de la série depuis son retour en 2005, Blink. Steven Moffat avait alors démontré avec quelle maestria il pouvait s'arroger le droit de jouer avec les peurs et les instincts du téléspectateur, sans pour autant jamais franchir la frontière du divertissement familial. Avec une aisance déconcertante, le scénariste poursuit donc sa juste exploitation des irrationnelles craintes qui se dissimulent dans les recoins de l'esprit humain. Il parvient à faire prendre forme à des concepts, dont la simplicité, étonnamment authentique, se révèle plus marquante que bien des débauches d'effets spéciaux : "Do not blink". Le vrai pouvoir de ces storylines réside dans l'ambiance et la suggestion qu'elles sont capables de générer. The Time of Angels embrasse cet héritage.

Conduite avec efficacité, la réintroduction des Angels s'opère pourtant avec relativement peu d'explications. Du moins, pour le moment. Si River embarque le Docteur dans cette mission sans sourciller, s'assurant pragmatiquement du seul renfort qui peut compter face à de tels êtres - l'enthousiasme encore naïf d'Amy achevant les dernières résistances du Time Lord -, la fière aventurière du LIe siècle cache ses propres secrets. Il manque au téléspectateur certaines pièces du puzzle sans doute déterminantes pour comprendre ce qui est en jeu. Conduisant une expédition d'ecclésiastiques-soldats, la jeune femme semble avoir conclu, avec ces derniers, un accord duquel ne nous sont données que quelques bribes d'indices, parcellaires et distillées au compte-goutte. Insuffisant pour pleinement cerner tous les tenants et aboutissants, mais parfait pour intriguer et aiguiser la curiosité du téléspectateur, ce qui est bien là l'essentiel.

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Le téléspectateur se retrouve immédiatement plongé dans une aventure très prenante, dont il faut saluer la construction narrative. Après avoir sauvé River, sur l'impulsion de cette dernière, le Docteur suit le vaisseau d'où elle s'est éjectée, jusqu'à la fin de ce dernier... assistant à son crash dans les vestiges archéologiques en ruine d'une planète autrefois occupée par une ancienne civilisation, mais désormais colonisée par la race humaine. Or, à son bord, expliquant d'ailleurs la présence de River, se trouvait une créature "de légende" : un Weeping Angel. Dans un état pseudo-dormant depuis sa découverte il y a quelques temps déjà, statue de pierre à l'apparence imperturbable. Cependant, le crash et l'énergie générée rompent logiquement cette fragile trêve. A partir de là, ce ne sont que difficultés sur difficultés qui ne vont cesser de surgir pour le Docteur et ses compagnons. La situation empire au fur et à mesure que sa complexité réelle se fait jour. Une seule chose est certaine : cela va être l'occasion d'en apprendre bien plus sur les Anges.

Ce qui est très intéressant dans la façon dont The Time of Angels se déroule, c'est que, même s'il ne s'agit que d'une première partie, l'épisode ne perd pas son temps en longues expositions inutiles. Au contraire, il s'apprécie par lui-même, la tension allant crescendo. A ce titre, il est particulièrement opportun que le premier face-à-face avec cette angoisse qu'incarnent et reflètent les Weeping Angels est lieu par le biais d'une confrontation avec une simple représentation qui prend corps sous le regard effrayé d'Amy. En plus de replacer la jeune femme sur le devant d'une storyline d'où elle a été éclipsée par la forte présence de River, c'est une première petite mise en bouche des plus piquantes, qui plonge instantanément le téléspectateur dans la tension ambiante. *Do not blink*

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Aventure divertissante, où l'humour n'hésite pas à poindre en dépit de l'urgence d'une situation qui tourne finalement au drame, il convient de préciser que l'épisode s'inscrit dans une tonalité très différente de celle, plutôt atypique, qui avait contribué à la spécificité de Blink. Loin de l'ambiance presque effrayante qui régnait alors, nous sommes ici dans un registre d'action, résolument divertissant et dynamique. Au-delà des piques de tension engendrées par le maniement d'une si fascinante et inquiétante créature, les réparties échangées entre River et le Docteur assurent des moments plus légers. Moins crispant que Blink, The Time of Angels apparaît, dans cette première partie, comme une évolution logique : la continuation légitime de l'exploitation de des Anges au sein de l'univers Whonesque, offrant du divertissement de grand spectacle.

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Bilan : The Time of Angels représente le coktail parfait, entre suspense, aventure, humour et drame, que l'on peut légitimement attendre d'un épisode de Doctor Who. Nous plongeant dans une aventure prenante et rythmée, l'épisode est une réussite sur un plan humain (la relation entre le Docteur et River devient à chaque ligne plus intriguante), mais aussi dans ce registre tant apprécié du vrai divertissement, maniant habilement les ruptures et changements de tons. Du Doctor Who comme on l'aime en somme. En dépit du fait qu'il s'agisse de la première partie d'un arc plus long, l'épisode s'apprécie par lui-même, très plaisant à suivre, et se terminant, comme il se doit, sur un cliffhanger à vous faire regretter de ne pas avoir sous la main votre propre Tardis pour être déjà samedi prochain !

NOTE : 9/10


La bande-annonce du prochain épisode, Flesh and Stone (la seconde partie) :